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Si le grade des mastocytomes cutanés/sous-cutanés est établi histologiquement selon les classifications de Patnaik et de Kiupel, la cytologie a-t-elle un rôle à jouer au-delà du simple diagnostic ? Peut-elle, à elle seule, orienter le pronostic ou guider les décisions thérapeutiques ? Faisons le point sur les apports et les limites de la cytologie dans l’évaluation des mastocytomes cutanés canins.
LA CYTOLOGIE EN PREMIÈRE LIGNE POUR LE DIAGNOSTIC
Le diagnostic des mastocytomes cutanés est en général assez simple du fait du caractère très reconnaissable des mastocytes en coloration MGG : cellules rondes de grande taille à rapport nucléocytoplasmique moyen, et cytoplasme contenant de nombreuses granulations violettes caractéristiques. Le diagnostic peut être plus difficile quand le mastocytome est peu granuleux ou en coloration rapide, celle-ci ne colorant pas fréquemment les granules.
Notez les très nombreuses granulations violettes caractéristiques qui couvrent entièrement le cytoplasme, et partiellement le noyau.
Les mastocytomes desquament généralement bien lors des cytoponctions à l’aiguille fine, ce qui permet le plus souvent d’établir le diagnostic dès la première observation cytologique.
LE BILAN D’EXTENSION INITIAL
Le bilan d’extension est essentiel lorsqu’un mastocytome est mis en évidence. Sur le plan cytologique, il inclut généralement des cytoponctions des nœuds lymphatiques locorégionaux et/ou sentinelles, de tout nœud lymphatique modifié, ainsi que du foie, de la rate. Un myélogramme peut éventuellement être réalisé, bien qu’il ne le soit que rarement en pratique. Ce bilan, associé au grading histologique, constitue la base du pronostic. En cas de dissémination métastatique, il permet également d’identifier des sites cibles pour le suivi cytologique des organes infiltrés au cours du traitement.
GRADING EN CYTOLOGIE
Le grading histologique est reconnu comme le gold standard pour le pronostic des mastocytomes cutanés canins. Mais qu’en est-il de la cytologie ? Peut-elle jouer un rôle au-delà du simple diagnostic ?
Un consensus publié en 2021 (en libre accès juste ici) s’est intéressé aux systèmes de grading cytologique existants à date, notamment ceux inspirés du système histologique de Kiupel. Ces classifications se basent uniquement sur des critères morphologiques cellulaires (nombre de mitoses, pléomorphisme nucléaire, anisocaryose, binucléation/multinucléation).
Le système de Camus et al., aujourd’hui considéré comme la référence, y ajoute la présence ou l’absence de granulations dans les mastocytes, non prise en compte dans le système de Kiupel. L’absence de granulation indique un mastocytome de haut grade. Les performances du grading cytologique sont encourageantes, avec une bonne corrélation entre grade cytologique, grade histologique et survie.
En prenant l’histopathologie comme gold standard, le grading cytologique présente une sensibilité de 85 à 88 %, une spécificité de 95 à 97 %. Toutefois, le consensus souligne que, malgré son potentiel, cet outil nécessite encore une validation plus large avant une adoption systématique.
Depuis cette publication, une autre approche a été proposée par Paes et al. Si vous avez l’habitude de lire vos cytologies cutanées, vous avez dû remarquer que les mastocytomes sont parfois associés à des cellules mésenchymateuses fusiformes et à du collagène. Le grading de Paes inclut la présence de fibroblastes et/ou des fibres de collagène, dont l’abondance est associée à une meilleure survie et à un grade histologique bas.
Cette publication a mené à un échange entre les auteurs des deux grades et in fine à la tenue d’une conférence au congrès ACVP de 2022 dans laquelle un algorithme de grading cytologique a été proposé.
Ce nouveau grading a été appliqué au jeu de donnée de l’étude Camus et al. et permettrait une prédiction avec une sensibilité plutôt bonne pour le grade histologique ce qui permet notamment d’éviter de classer un mastocytome de haut grade histologique en bas grade cytologique. Par ailleurs, les données de la combinaison du grade histologique et cytologique permettraient une meilleure prédiction pronostique.
En conclusion, si la cytologie est un outil incontournable pour le diagnostic et le bilan d’extension des mastocytomes cutanés canins, elle pourrait également contribuer à la prédiction du grade histologique. Utilisée en complément du grading histologique classique, elle pourrait ainsi affiner l’évaluation pronostique (données présentées en congrès mais pour l’instant non publiés).
Chez Anydiag, nos cytologistes restent attentifs aux avancées scientifiques sur le sujet afin de vous accompagner au mieux, tant dans le diagnostic initial, que dans l’estimation du pronostic, en amont et en complément des résultats histologiques.
RÉFÉRENCES
Berlato D, Bulman-Fleming J, Clifford CA, et al. Value, Limitations, and Recommendations for Grading of Canine Cutaneous Mast Cell Tumors: A Consensus of the Oncology-Pathology Working Group. Veterinary Pathology. 2021;58(5):858-863. doi:10.1177/03009858211009785
Camus MS, Priest HL, Koehler JW, Driskell EA, Rakich PM, Ilha MR, Krimer PM. Cytologic Criteria for Mast Cell Tumor Grading in Dogs With Evaluation of Clinical Outcome. Vet Pathol. 2016 Nov;53(6):1117-1123. doi: 10.1177/0300985816638721. Epub 2016 Mar 31. PMID: 27034386.
Paes, P.R.O. and Horta, R.S. (2022), Response to letter regarding “inclusion of fibroblasts and collagen fibrils in the cytologic grading of canine cutaneous mast cell tumors”. Vet Clin Pathol, 51: 467-467. https://doi.org/10.1111/vcp.13215
Krimer, P.M. (2022), Inclusion of fibroblasts and collagen fibrils in the cytologic grading of canine cutaneous mast cell tumors. Vet Clin Pathol, 51: 464-466. https://doi.org/10.1111/vcp.13191
Krimer PM, Donovan TA. Cutaneous Canine Mast Cell Tumors: Is Cytology Up to Grade? Communication orale présentée au : ACVP/ASVCP Annual Meeting; 2022 nov 12-15; Boston, MA, USA.
Article rédigé par notre Dr Vet Antoine Lecomte, ancien résident ECVCP (certification en cours), diplômé d’un DIU hématologie biologique et d’un CES hématologie et biochimie clinique animale